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Penser

Pendant la Seconde Guerre mondiale, de nombreux intellectuels d’origine juive trouvent refuge en zone non occupée et en particulier à Toulouse. C’est le cas notamment du philosophe Vladimir Jankélévitch.

Contraint à la clandestinité, il fait de l’acte de « penser » et « transmettre » un acte de résistance face à l’obscurantisme nazi et parvient à publier ses écrits aux côtés d’autres intellectuels.

Cette pensée a fortement nourri l’engagement résistant des réseaux toulousains.

Poursuivre le combat par et à partir de l’enseignement

Vladimir Jankélévitch se réfugie en 1941 à Toulouse. Il avait été auparavant nommé en 1936 à la Faculté de lettres de Toulouse. Il apprend alors sa révocation « pour n’avoir pas possédé la nationalité française à titre originaire ». Mgr Bruno de Solages, Recteur de l’Institut catholique, vient trouver ses amis Jankélévitch et Meyerson, membres de la Société toulousaine de philosophie pour leur manifester sa sympathie et leur offrir l’asile à l’Institut catholique.

Avec le soutien des étudiants et du doyen de la faculté, Paul Dottin, Meyerson et Jankélévitch vont poursuivre leurs cours à titre privé. Les cours et conférences se déroulent clandestinement avec succès, à l’académie Conti, place du Capitole.

« Je suis, depuis quelques jours, relevé de mes fonctions, et l’heure n’est pas au grand tourisme. On m’a découvert deux grands-parents impurs, car, je suis, par ma mère, demi-Juif ; mais cette circonstance n’aurait pas suffi si je n’avais, de surcroît, été métèque par mon père. Cela faisait trop d’impuretés pour un seul homme. » Vladimir Jankélévitch (Une vie en toutes lettres, Paris, 1995)

Penser la libération

Parmi les cercles de pensée clandestins, la librairie de Silvio Trentin, 46 rue du Languedoc en est un des plus célèbres. Elle est tenue par Silvio Trentin combattant antifasciste italien qui va jouer un rôle essentiel dans la structuration de la résistance toulousaine. Universitaire et professeur de droit à l’Université de Pise, En 1919, il fut élu député de la social-démocratie (PSI), à Venise, il s’opposa alors au fascisme de Benito Mussolini.

En 1935, sur les conseils et avec l’aide de son ami Camille Soula, professeur de médecine, il ouvrit la librairie toulousaine.

L’arrière-salle de sa librairie devient alors le lieu de rencontre d’intellectuels, de professeurs et de syndicalistes résistants. Pierre Bertaux, Jean Cassou, Francesco Nitti et Silvio Trentin formèrent un premier noyau de Résistance à Toulouse.

À l’arrivée des Allemands à Toulouse, Silvio Trentin devint l’inspirateur du mouvement de résistance « Libérer et Fédérer ».

Au cœur de l’horreur, penser l’antisémitisme

Les mesures antisémites contraignent au cloisonnement clandestin. Jankélévitch poursuit ses réflexions. Ses écrits sont publiés sous une fausse identité. Il se rapproche de militants communistes du Mouvement national contre le racisme (MNCR). En 1943, avec le professeur de géographie Daniel Faucher et le catholique Étienne Borne, il publie un texte virulent dans une revue, Le mensonge raciste, sous le pseudonyme d’André Dumez. Il y décortique le rôle de l’antisémitisme servant à la fois dans la construction utilitaire d’un bouc émissaire pour les bourreaux et à la création une mythologie raciste pour les populations.

Enseigner pour résister

Raymond Naves professeur agrégé de la faculté de lettres (spécialiste du Siècle des Lumières et de Voltaire), conçu le savoir comme facteur essentiel de l’émancipation humaine. Il s’engage très tôt dans l’éducation populaire et critique la politique de non intervention en Espagne du parti socialiste. Il se rapproche des milieux antifascistes et se lie d’amitié avec le libraire Silvio Trentin et François Verdier.

En 1941, il entre au Comité d’action socialiste (CAS), une petite organisation dont le but est de recréer une SFIO résistante, sur les consignes de Léon Blum. Il devient membre du comité départemental de libération, au sein duquel il est désigné pour devenir le maire provisoire de Toulouse au moment de la Libération. Refusant la clandestinité, pour que ses étudiants continuent à bénéficier de ses cours, Raymond Naves est arrêté, le 24 février 1944, par
la police allemande, sur le chemin de la faculté.

Il est ensuite déporté au camp d’Auschwitz.